RSF dénonce l’arrestation de trois blogueurs et militants des droits de l’homme vietnamiens
Reporters sans frontières (RSF) s’insurge contre la vague d'arrestations “préventives” lancée par les autorités vietnamiennes à l’encontre de trois blogueurs et journalistes citoyens quelques jours avant le nouvel an vietnamien, le Têt. L'organisation demande la remise en liberté immédiate des trois blogueurs et l’abandon de toutes les charges retenues à leur encontre.
La blogueuse Tran Thi Nga (également connu sous le nom de Thuy Nga) a été arrêtée le 21 janvier 2017 à son domicile, situé dans la province de Ha Nam (nord du pays). Accusée d’avoir publié des contenus anti-étatique sur le web, Tran Thi Nga a été inculpée en vertu de l’article 88 du code pénal vietnamien qui punit de trois à vingt ans d’emprisonnement les actes de “propagande contre la république socialiste du Vietnam”. Mère de deux enfants, Tran Thi Nga est connue pour défendre les travailleurs migrants et les victimes d’accaparement de terres par les autorités.
Le journaliste citoyen Nguyen Van Oai a été arrêté deux jours plus tôt dans la province de Nghe An (centre du pays) pour avoir prétendument résisté à des agents de l’Etat en service et quitté sa localité de résidence sans permission alors qu’il est toujours soumis à une période probatoire. Nguyen Van Oai avait été arrêté en 2011 puis condamné à quatre ans de prison assortis de trois ans en résidence surveillée, en vertu de l’article 79 du code pénal, qui est, avec l’article 88, le plus souvent invoqué par les autorités pour museler les blogueurs et cyber-activiste. Il avait été relâché en août 2015 après avoir purgé sa peine.
Nguyen Van Hoa, journaliste pour le service vietnamien de Radio Free Asia, a été arrêté le 11 janvier dernier et détenu incommunicado pendant plus d’une semaine. Sa famille n’a été informée de son arrestation que le 23 janvier dernier. Le journaliste citoyen a été inculpé en vertu de l’article 258 du code pénal, qui prévoit des peines d’emprisonnement pour “abus de libertés démocratiques dans le but de porter atteinte aux intérêts de l’Etat”. Nguyen Van Hoa avait récemment couvert les manifestations citoyennes pour protester contre l’usine sidérurgique taïwanaise Formosa Ha Tinh Steel Corporation, à l’origine d’une pollution industrielle qui avait décimé,en avril 2016, des milliers de tonnes de poissons.
“Cette vague d’arrestations en amont des célébrations du nouvel an vietnamien témoigne de la crispation des autorités chaque fois que se présente une occasion pour la société civile de s’exprimer librement sur la violation de ses droits et des droits de l’homme en général, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières. Ces blogueurs et journalistes citoyens n’ont rien fait d’autre que de couvrir des manifestations populaires et de s’exprimer sur des violations des droits de leurs concitoyens. En somme, leurs activités relèvent de l’intérêt général, et il est dramatique de constater qu’au Vietnam, l’intérêt général et les droits de l’homme sont apparentés à de la propagande anti-étatique. Nous demandons à la communauté internationale de faire pression pour obtenir leur remise en liberté dans les plus brefs délais.”
Les arrestations préventives en amont d’événements nationaux, qui revêtent souvent la forme de disparition forcée, mais aussi le harcèlement, les menaces et les agressions physiques des blogueurs et de leurs proches sont autant de stratégies auxquelles le Parti communiste vietnamien n’hésite pas à recourir afin de museler ces voix indépendantes et critiques. En octobre 2016, RSF avait dénoncé la stratégie d’isolement des journalistes citoyens et des blogueurs par les autorités, qui conduisent des représailles systématiques à l’encontre de ceux qui osent entrer en contact avec l’étranger.
Le Vietnam occupe la 175e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2016.