Plusieurs prix RSF se mobilisent en soutien à la journaliste vietnamienne emprisonnée Pham Doan Trang
Pour marquer les six mois de son arrestation, Reporters sans frontières (RSF) a demandé à plusieurs lauréats du prix RSF de s'exprimer en soutien à Pham Doan Trang, elle-même titulaire du prix RSF de l’impact en 2019. Toutes et tous exigent des autorités vietnamiennes sa libération immédiate et inconditionnelle.
On a appris son arrestation il y a six mois, jour pour jour. La journaliste vietnamienne Pham Doan Trang a reçu, dans la nuit du 6 au 7 octobre dernier, la visite de policiers en civil venus l’interpeller pour la placer en détention. Depuis, plus de nouvelles. Elle n’a pas été autorisée à s’entretenir avec un avocat, ni avec sa famille. Accusée de “propagande contre l’Etat” au motif de l'article 117 du code pénal, elle risque vingt ans de prison.
Afin de sensibiliser l’opinion mondiale sur le sort de cette reportrice courageuse, lauréate du prix RSF de l’impact en 2019, l’organisation a fait appel à la solidarité d’autres titulaires du prix RSF de la liberté de la presse, en leur demandant d’envoyer un message vidéo pour la soutenir.
“L’élan de solidarité qui s’est créé derrière la figure de Pham Doan Trang montre aux autorités vietnamiennes que le monde les observe, et qu’elles ne peuvent pas emprisonner impunément une journaliste qui leur déplaît, note Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. L’actuelle direction du Parti communiste vietnamien, au pouvoir à Hanoi, doit comprendre qu’elle sera tenue responsable devant l’histoire du cycle de répression de la liberté de la presse dans lequel elle s’est engagée depuis quelques années. Libérer Pham Doan Trang, et tous les autres journalistes injustement détenus, peut leur permettre de sauver la face.”
Le journaliste d’investigation polonais Tomasz Piatek, titulaire du prix RSF en 2017, a profité de son émission en ligne “Vers la vérité” pour interpeller les dirigeants vietnamiens : “Je ne sais pas trop comment vous appeler.. Dirigeants, meneurs, commandants, boss, parrains mafieux… Je vous demande de libérer mon amie [Pham Doan Trang] immédiatement, et de cesser de la harceler, de la tourmenter pour avoir dit la vérité. Si vous voulez vous présenter comme les dirigeants de la République socialiste du Vietnam, vous devez cesser de harceler vos propres citoyens, et leur accorder le droit à la vérité.”
Devoir citoyen
“La liberté de la presse dans le monde est actuellement sur une voie très dangereuse, remarque pour sa part la journaliste indépendante indienne Swati Chaturvedi, pris RSF du courage en 2018. Aucun pouvoir ne veut qu’on lui dise ses vérités. Des journalistes, des activistes sont emprisonnés. J’en appelle à votre aide, en soutien à ma consœur vietnamienne Pham Doan Trang.”
Le journaliste et documentariste Can Dündar, ancien directeur de la rédaction du quotidien turc Cumhuriyet, lauréat du prix RSF en 2016, se souvient avoir assisté à la remise du prix à Pham Doan Trang : “J’étais présent à la cérémonie, à Berlin en 2019, où elle n’avait pu se rendre parce que les autorités vietnamiennes le lui avaient interdit. Elle avait envoyé un puissant message pour dire son espoir que ce prix puisse aider d’autres journalistes à se battre pour la vérité, la justice et les droits humains au Vietnam. Je demande aux autorités vietnamiennes sa libération."
La reportrice philippine Inday Espina-Varona, prix RSF de l’indépendance en 2018, a elle aussi appelé à la libération de la journaliste : “Pham Doan Trang est accusée de ‘disséminer des informations opposés à l’Etat du Vietnam’, mais il revient à chaque journaliste, à chaque citoyen, de critiquer et de s’opposer, lorsque cela est nécessaire, aux politiques et aux actions qui vont à l’encontre de l’intérêt public et du bien du peuple. C’est aussi le devoir de chaque journaliste, de chaque citoyen de par le monde, de défendre celles et ceux qui cherchent à bien faire et sont réprimés pour cela. Libérez Pham Doan Trang ! Maintenant !”
Deux mois après l'arrestation de Pham Doan Trang, RSF avait lancé une campagne de soutien, avec notamment une pétition exigeant la libération immédiate et inconditionnelle de la journaliste. A cette occasion, RSF avait mobilisé la blogosphère des dissidents vietnamiens en exil pour sensibiliser l'opinion sur son cas. Basés en Allemagne, aux Etats-Unis, en France ou en Allemagne, cinq blogueurs et journalistes avaient alors témoigné de leur soutien par le biais de vidéos.
Le Vietnam stagne depuis des années dans les limbes du Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020, à la 175e place sur 180 pays.