M. Loukachenko, il faut choisir entre insertion internationale ou poursuite de la répression
Soucieux de desserrer l’emprise russe sur le Bélarus, le régime d’Alexandre Loukachenko cherche à regagner les bonnes grâces de la communauté internationale. Mais au-delà de la libération des principaux prisonniers politiques, la situation des droits de l’homme reste toujours aussi catastrophique. La liberté de la presse, en particulier, est toujours foulée aux pieds dans un pays qui pointe à la 157e place sur 180 au dernier Classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières (RSF).
“A l’heure où Minsk cherche à se rapprocher de Bruxelles et à séduire le FMI, ses interlocuteurs doivent lui rappeler que la liberté de la presse fait partie des conditions à une réinsertion pleine et entière dans la communauté internationale, déclare Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Le harcèlement judiciaire des journalistes indépendants et les violences policières à leur égard doivent immédiatement prendre fin. Des réformes d’ampleur sont indispensables pour favoriser le pluralisme et supprimer le carcan qui pèse sur les médias libres."
Un journaliste agressé par la police
Le 25 janvier 2016, un correspondant du site d’information Tut.by, Pavel Dabravolski, a été passé à tabac par des policiers alors qu’il couvrait l’interpellation de deux manifestants pacifiques en marge d’un procès, à Minsk. “Ils m’ont arraché ma caméra et ma carte de presse avant de commencer à me frapper, a rapporté le journaliste à Tut.by. J’ai reçu plusieurs dizaines de coups de pieds. Comme je tentais de me protéger le visage (...), ils m’ont tordu les bras dans le dos et l’un des policiers a posé sa botte sur ma tête.”
Après avoir été contraints de rester allongés face contre terre pendant vingt minutes, Pavel Dabravolski et les deux manifestants ont été traînés au tribunal pour répondre des accusations de “résistance aux forces de l’ordre” et d’“offense à la cour”. Le journaliste a été condamné à une amende de 9,45 millions de roubles bélarusses (soit 412 euros), sur la base du témoignage d’un des policiers qui l’avaient agressé. Il a fait constater ses blessures à l’hôpital dans l’intention de porter plainte.
Nouvelle cascade d’amendes contre les journalistes indépendants
Après une accalmie de quelques mois, les autorités se sont remises à harceler les journalistes collaborant avec des médias basés à l’étranger. Trois condamnations ont ainsi été prononcées sur la base de l’article 22.9 du Code des infractions administratives (“production illégale de contenu médiatique”) depuis le début de l’année 2016.
Ce chef d’accusation est un grand classique au Bélarus : d’un côté, les autorités bannissent les principaux médias audiovisuels indépendants, contraints d’émettre depuis l’étranger. De l’autre, elles refusent systématiquement l’accréditation de leurs collaborateurs, ce qui permet de les poursuivre pour “production illégale de contenu médiatique”. Pas moins de 28 amendes ont été prononcées sur ce fondement au cours de l’année 2015, en amont de la dernière élection présidentielle. L’avalanche de condamnations s’est interrompue au dernier trimestre, avant de reprendre en janvier 2016.
Le 14 et le 20 janvier, Kastus Joukouski a été condamné à deux amendes pour un total de 13 650 000 roubles bélarusses (soit 612 euros). Sa collègue Larysa Chtchyrakova a reçu une amende de 4 620 000 de roubles bélarusses (221 euros) le 13 janvier. Tous deux travaillent à Homiel (Sud-Est) et se voient reprocher leurs reportages pour la chaîne satellitaire Belsat TV. Basée en Pologne depuis 2007, cette télévision a cherché à au moins trois reprises à ouvrir un bureau à Minsk, en vain.
Kastus Jukouski a expliqué à l’audience qu’il avait créé sa propre société commerciale pour vendre ses reportages à Belsat TV, et qu’il n’avait donc pas besoin d’accréditation. “Les condamnations contre les journalistes freelance sont validées à l’aveugle”, a-t-il déploré, soulignant qu’il n’aurait jamais été condamné dans un procès équitable.
“Je suis visé parce que je couvre les problèmes sociaux, a déclaré le journaliste à RSF. Je visite des endroits où aucun journaliste ne va. Nos reportages sont des piqûres de moustique, mais les autorités les considèrent pourtant comme dangereux.”
(Photo : Radio Svaboda - RFE/RL)