L’Indonésie profite du Covid-19 pour faire taire toute critique en ligne contre le pouvoir exécutif
La police indonésienne a récemment émis un ordre qui interdit à la fois toute désinformation liée à la crise du coronavirus et toute information jugée critique envers le président et le gouvernement. Reporters sans frontière (RSF) dénonce un dangereux mélange des genres et appelle les policiers de l'archipel à laisser les journalistes travailler librement.
Les journalistes risquent un an et demi de prison s’ils critiquent le pouvoir exécutif. Dans une directive signée le 4 avril dernier par le général Listyo Sigit Prabowo, chef de l’Agence des enquêtes criminelles, la police indonésienne a établi trois priorités à suivre pour ses agents chargés de surveiller les publications sur Internet et les réseaux sociaux.
Elle met en garde les journalistes contre toute publication de “fausse information liées au coronavirus”, “d'information frauduleuse sur la vente de matériel médical” et, même si aucun lien n’est établi avec la pandémie, “d’information hostile au président ou au gouvernement”.
“La police indonésienne profite de cette directive sur la désinformation liée à la pandémie de Covid-19 pour mettre au pas les journalistes qui voudraient publier des informations critiques sur le président Joko Widodo ou son gouvernement, regrette Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF.
“Il s’agit là d’une intolérable ingérence contre la liberté de la presse, normalement garantie par l’article 28 de Constitution de 1945. Nous appelons la police à laisser les reporters travailler librement pour qu’ils puissent diffuser une information fiable et indépendante, ce qui est absolument crucial en cette période de pandémie.”
Liberticide
Plusieurs journalistes indonésiens craignent par ailleurs que la coalition au pouvoir à Djakarta profite du confinement lié à la pandémie de coronavirus pour faire voter par le Parlement une version révisée du code pénal. Or, ce texte contient plusieurs articles particulièrement liberticides contre le libre exercice du journalisme sur l’archipel - notamment les articles 219 et 241, qui criminalisent justement les critiques contre la présidence de la République et le gouvernement.
Présenté devant le Parlement l’année passée, le projet de loi avait dû être mis de côté par le président Jokowi après un très large mouvement de protestation organisé par la société civile, mobilisée par la défense de la liberté de la presse. Le 2 avril dernier, le vice-président de la Maison des représentants a pourtant annoncé que le projet de révision était à nouveau examiné en commission, et serait bientôt présenté en session plénière.
L’Indonésie occupe la 124e place sur 180 pays au Classement mondial 2019 de la liberté de la presse.