Le journaliste birman Zaw Ye Htet condamné à deux ans de prison pour un article sur le Covid-19
Reporters sans frontières (RSF) condamne avec la plus grande fermeté la condamnation de ce reporter dont le seul crime a été de tenter de lever le voile sur le bilan réel de la pandémie de coronavirus dans l’est de la Birmanie, confrontée à une arrivée soudaine de travailleurs migrants.
L’instruction a été pour le moins expéditive. Zaw Ye Htet, rédacteur en chef de l’agence de presse en ligne Dae Pyaw, a été condamné à deux ans de prison ce mercredi 20 mai, soit quelques semaines après son arrestation. Il avait été interpellé le 13 avril, le jour de la mise en ligne d’un article révélant, notamment, la mort d’un individu en raison de la pandémie de coronavirus, dans l’Etat Karen, dans l’est de la Birmanie.
Considérant l’information erronée, le tribunal a retenu contre le reporter l’accusation de “déclaration ou reportage pouvant susciter la peur ou des troubles au sein de la population”, en vertu de l’article 505(b) du code pénal, un texte aux formulations particulièrement floues.
Alors que l’Etat Karen a soudainement dû faire face au retour de plus de 16.000 travailleurs migrants depuis la Thaïlande voisine dans la foulée du confinement, les autorités régionales ne recensent officiellement que deux cas de Covid-19.
“Ce procès bâclé démontre que Zaw Ye Htet est puni pour avoir tenté de trouver une part de vérité derrière les chiffres officiels des autorités, particulièrement peu crédibles, affirme Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. L’empressement de la justice à vouloir lui infliger une peine aussi radicale témoigne d’une volonté d'intimider l'ensemble des journalistes birmans qui essayent d’informer leurs concitoyens sur les réalités de la pandémie de coronavirus. Nous appelons le tribunal à retrouver un semblant de crédibilité en libérant le journaliste en appel.”
Durant les deux dernières semaines de mars 2020, au prétexte de la lutte contre la désinformation sur le Covid-19, le gouvernement central avait arbitrairement ordonné aux quatre opérateurs Internet du pays de bloquer un total de 221 sites dits de “fake news”, pour reprendre l’expression utilisée dans l’ordre ministériel.
Plusieurs grands médias se sont de fait retrouvés bloqués, ainsi que des sites d’information qui s’adressent plus particulièrement aux minorités ethniques du pays, dont la population karen.
La Birmanie occupe la 139e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF.