Après son prix Nobel, RSF appelle le Premier ministre éthiopien à poursuivre ses efforts en faveur de la liberté de la presse
Reporters sans frontières (RSF) salue les réalisations du Premier ministre éthiopien, lauréat du prix Nobel de la paix 2019, en faveur de la liberté de la presse. RSF l’appelle à poursuivre ses efforts pour éviter tout retour en arrière en Ethiopie et à inciter ses voisins à emprunter le même chemin.
Le prix Nobel de la paix décerné ce vendredi 11 octobre à Abiy Ahmed est venu récompenser les efforts du Premier ministre éthiopien pour la paix avec l’Erythrée et pour la réconciliation dans son pays. Sur place, les médias et les journalistes éthiopiens ont été parmi les premiers bénéficiaires de son arrivée au pouvoir en 2018.
Quelques semaines seulement après son entrée en fonction, plus aucun journaliste ne se trouvait en prison dans le pays, du jamais vu depuis plus de dix ans. Des centaines de sites d’information et de médias audiovisuels interdits sous l’ancien régime ont été autorisés. Des médias autrefois en exil comme OMN et ESAT peuvent désormais travailler librement dans leur pays. La parole s’est libérée et l’accès aux autorités s’est également amélioré pour les médias.
Ces changements se sont traduits par une hausse de quarante places au Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en 2019. Jamais un pays n’avait fait un tel bond depuis la première édition en 2002. Le 3 mai, ces efforts étaient également salués par l’UNESCO qui avait choisi la capitale éthiopienne pour abriter la journée mondiale de la liberté de la presse.
“Les journalistes et les médias éthiopiens ont indéniablement profité d’un nouveau souffle depuis l’arrivée au pouvoir d’Abiy Ahmed, estime Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Mais ce printemps de la presse éthiopienne ne pourra être durable que si ces changements sont institutionnalisés. Nous appelons le Premier ministre à adopter au plus vite un cadre législatif plus protecteur pour les professionnels des médias. Fort de ce prix Nobel, nous l’encourageons également à porter une ambition régionale en faveur de la liberté de la presse alors que plusieurs pays de la corne de l’Afrique restent des trous noirs de l’information”.
En juillet, RSF mettait en garde les autorités éthiopiennes contre toute tentation de “retour en arrière” alors que plusieurs journalistes avaient fait l’objet de courtes arrestations ou d’intimidations dans un contexte de multiplication des conflits ethniques. Un général avait même publiquement menacé de s’en prendre à “tous les médias qui ternissent la réputation de l’armée”.
La loi antiterroriste de 2009, largement utilisée par l’ancien régime pour arrêter des blogueurs et des journalistes, n’a toujours pas été abrogée, pas plus que la réforme promise du cadre législatif pour la presse n’a été adoptée. Le comité chargé de travailler à son élaboration n’a pas rendu public l’état d’avancement de ces travaux et aucun texte n’a été soumis à l’examen du parlement éthiopien.
Les changements opérés en Ethiopie n’ont pour l’instant pas atteint ses voisins. Avec au moins 11 journalistes en prison n’ayant accès ni à leur famille ni à leur avocat -pour certains depuis 18 ans- l’Erythrée demeure la plus grande prison d’Afrique subsaharienne pour les journalistes. A l’instar de son voisin érythréen, Djibouti n’abrite aucun média indépendant sur son territoire. Quant à la Somalie, elle reste le pays le plus dangereux pour les journalistes du continent. Ils sont 58 à avoir été tués ou assassinés dans l’exercice de leur fonction au cours des dix dernières années.
L’Ethiopie occupe la 110e position sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2019.