Abus judiciaires : un cinéaste menacé de censure ; un journaliste curieusement renvoyé en prison
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Osvaldo Bayer, journaliste et documentariste, est poursuivi en justice pour "diffamation" depuis début septembre 2011 par les petits-enfants de José Alfredo Martínez de Hoz, ancien ministre de l’Économie sous la dictature de Jorge Videla (1976-1981), suite à la sortie en septembre 2009 du documentaire Awka Liwen dont il a signé la réalisation avec le concours de Mariano Aiello et Kristina Hille. Mariano Aiello a fait savoir que lui-même, Osvaldo Bayer et l'historien Felipe Pigna encouraient une peine de prison s’il ne parvenaient pas à s’acquitter chacun d’une amende d’un million de pesos (soit 236 000 dollars) pour les "dommages" et "préjudices" causés à la famille concernée.
Reporters sans frontières soutient Osvaldo Bayer, dont le travail rend compte du traitement, longtemps occulté, infligé aux communautés mapuches d’Argentine. Que la réputation de la famille Martínez de la Hoz soit atteinte ne l’autorise en rien à empêcher la diffusion d’une œuvre que même la présidente de la Nation, Cristina Fernández de Kirchner, a déclaré d'‘intérêt national’. “Si un droit de réponse est envisageable au générique du film, il est absolument contraire aux principes constitutionnels et à la loi de vouloir recourir à la censure contre un travail d’information et à la prison contre ses auteurs. Nous rappelons d’ailleurs que la ‘diffamation’, la ‘calomnie’ et l’‘injure’ ont été dépénalisées en 2009. D’autre part, la juridiction en charge du dossier doit se déclarer incompétente s’il s’avère que les magistrats ne présentent pas toutes les garanties d’impartialité”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le documentaire visait à dénoncer le rôle de José Toribio Martínez Hoz, arrière-grand-père du ministre de l’Économie de la dictature, dans l’impulsion et l’organisation de la Campagne du Désert, vaste opération d’expropriations de terres indigènes, assortie d’une cruelle répression contre les populations, survenues de 1869 à 1888, en Patagonie et dans la Pampa. La famille Martínez de la Hoz a affirmé que son aïeul n’avait jamais participé à cette campagne et a donc porté plainte contre Osvaldo Bayer et ses deux coproducteurs.
Le dossier a été transféré à la Chambre nationale civile et commerciale. Mariano Aiello, très inquiet, a confié à Reporters sans frontières que deux des trois magistrats saisis de l’affaire étaient en fonction sous la dictature et réputés proches de la famille Martínez de la Hoz. “Rien n’est garanti”, selon lui. Si la famille Martínez de la Hoz gagne le procès, le documentaire sera censuré et ses auteurs devront omettre toute mention du nom des plaignants dans la Campagne du Désert.
La censure contre des journalistes ou documentaristes traitant de la question Mapuche n’est hélas pas nouvelle. Reporters sans frontières rappelle notamment le cas de la cinéaste chilienne Elena Varela, dont le film Newen Mapuche s’est vu refuser l’accès à la diffusion nationale en avril dernier.
Représailles judiciaires ?
D’autres journalistes subissent de graves déconvenues judiciaires dans le pays, comme Néstor Omar Pasquini, propriétaire et directeur de la radio FM Show, condamné à sept ans de prison le 12 septembre 2011 et renvoyé derrière les barreaux, au motif d’avoir participé à l’incendie du tribunal de Corral de Bustos (province de Córdoba) au cours d’une manifestation qui avait fait suite à l’assassinat et au viol d’une petite fille. L’avocat du journaliste a assuré à Reporters sans frontières qu’aucune preuve d“incitation à la violence” n’avait été apportée contre son client. Il compte faire appel. Cette condamnation viendrait, selon lui, en représailles d’accusations de “corruption” et d’“activités délictueuses” portées par le journaliste contre certaines autorités locales. “Reporters sans frontières s’étonne des rebondissements dans cette procédure, et notamment de cette réincarcération, qui accréditent l’hypothèse d’un acharnement contre Néstor Pasquini. Nous demandons, en vertu de l’appel bientôt présenté par son avocat, qu’il soit libéré dans l’attente d’un nouveau jugement, et que l’affaire soit délocalisée par souci d’impartialité”, a estimé l’organisation.
D’autres journalistes subissent de graves déconvenues judiciaires dans le pays, comme Néstor Omar Pasquini, propriétaire et directeur de la radio FM Show, condamné à sept ans de prison le 12 septembre 2011 et renvoyé derrière les barreaux, au motif d’avoir participé à l’incendie du tribunal de Corral de Bustos (province de Córdoba) au cours d’une manifestation qui avait fait suite à l’assassinat et au viol d’une petite fille. L’avocat du journaliste a assuré à Reporters sans frontières qu’aucune preuve d“incitation à la violence” n’avait été apportée contre son client. Il compte faire appel. Cette condamnation viendrait, selon lui, en représailles d’accusations de “corruption” et d’“activités délictueuses” portées par le journaliste contre certaines autorités locales. “Reporters sans frontières s’étonne des rebondissements dans cette procédure, et notamment de cette réincarcération, qui accréditent l’hypothèse d’un acharnement contre Néstor Pasquini. Nous demandons, en vertu de l’appel bientôt présenté par son avocat, qu’il soit libéré dans l’attente d’un nouveau jugement, et que l’affaire soit délocalisée par souci d’impartialité”, a estimé l’organisation.
Publié le
Updated on
20.01.2016