Alors que le Dalaï Lama va célébrer son 70e anniversaire, le 6 juillet 2005, Reporters sans frontières dresse un bilan de la situation du droit à l'information et de la liberté de la presse au Tibet. La répression des autorités chinoises s'acharne tout spécialement contre ceux qui continuent à publier, distribuer ou lire des écrits du chef spirituel des Tibétains, exilé en Inde.
Alors que le Dalaï Lama va célébrer son 70e anniversaire, le 6 juillet 2005, Reporters sans frontières dresse un bilan de la situation du droit à l'information et de la liberté de la presse au Tibet. La répression des autorités chinoises s'acharne tout spécialement contre ceux qui continuent à publier, distribuer ou lire des écrits du chef spirituel des Tibétains, exilé en Inde.
Les autorités chinoises tentent, sans relâche, de briser tout sentiment identitaire au sein de la population tibétaine. Les monastères, considérés comme des foyers culturels véhiculant des idées favorables à l'autonomie du Tibet et à l'autorité du Dalaï Lama, font l'objet d'une surveillance particulière et de représailles répétées. Reporters sans frontières dénonce une répression brutale qui prive des millions de Tibétains de leur droit à être informé et à s'exprimer.
Arrêtés le 16 janvier 2005 et inculpés une vingtaine de jours plus tard, Tashi Gyaltsen, Lobsang Dhargay, Thoe Samden, Tsultrim Phelgay et Jampel Gyatso du monastère de Drakar Trezong purgent actuellement des peines de deux ou trois ans de rééducation par le travail, dans un camp du Qinghai, près de Xining (centre-nord de la Chine). Les autorités leur reprochent la publication d'un journal contenant des poèmes et des articles à teneur politique.
Selon le Tibetan Centre for Human Rights and Democracy (TCHRD, basé en Inde), les autorités chinoises interdisent toute publication, impression, photocopie, distribution d'articles et de supports audiovisuels venant de l'étranger et prônant l'indépendance du Tibet. Régulièrement, les médias officiels rappellent ces interdictions. Le Département chinois de la propagande, en coordination avec le ministère de la Sécurité publique, sont spécialement chargés de faire appliquer cette mesure.
Reporters sans frontières condamne le recours abusif par le gouvernement chinois aux législations sur la sécurité nationale pour limiter la diffusion de l'information au Tibet. Les articles 103 et 105 du code pénal chinois prévoient de lourdes peines pour ceux qui incitent à « briser l'unité nationale » et à la « subversion du pouvoir d'Etat. »
A titre d'exemple, Nyima Tsering, un ancien moine qui enseignait le tibétain et le bouddhisme à Gyantse, a été arrêté en 2002 puis accusé d'avoir distribué des documents pour l'indépendance du Tibet. Il a été condamné, en juin 2003, à cinq ans d'emprisonnement pour atteinte à la sécurité d'Etat et purge actuellement sa peine dans la prison de Drapchi à Lhassa.
Le 21 décembre 2001, Phuntsok Tsering, un moine de 24 ans de la région de Lhatse, a été arrêté car il se trouvait en possession d'un livre du Dalaï Lama. Il serait toujours détenu.
En octobre 2004, les autorités ont décrété que le livre Tibetan Journal de la poétesse tibétaine Woeser, contenait des "erreurs politiques". Elle aurait notamment vanté les mérites du Dalaï Lama. Woeser a vu son livre censuré et a fait l'objet de harcèlement de la part des autorités. Après avoir perdu son emploi, son logement et sa couverture sociale, elle se retrouve dans l'impossibilité de quitter le pays, la délivrance d'un passeport lui étant strictement interdite.
L'accès à l'information non officielle est pour les Tibétains un véritable parcours du combattant. Tous les médias sont contrôlés par le Parti communiste chinois ou des institutions publiques. De rares publications clandestines réalisées par des Tibétains, notamment des moines, circulent sous le manteau.
Les journalistes chinois et tibétains sont contraints de se conformer aux directives de l'Etat. Tous les ans, le gouvernement leur transmet la liste des sujets devant être abordés en priorité. En 2004, les autorités ont rappelé que les articles et reportages sur les activités des organisations internationales sur le territoire tibétain et sur les manifestations contre le gouvernement étaient strictement interdits. Concernant la religion, seuls les articles portant sur des manifestations officielles sont autorisés.
L'omniprésence des membres du Parti à des postes clés dans l'administration des médias au Tibet condamne toute possibilité de liberté éditoriale. Les articles sont soumis à des procédures longues avant d'être publiés.
L'utilisation systématique de la langue chinoise dans les médias constitue un autre obstacle majeur à l'accès des Tibétains à l'information. La chaîne Qinghai TV ne réserve qu'une plage horaire limitée, de 17h à 18h30, aux programmes en tibétain. Le journal télévisé en langue tibétaine, d'une durée de 15 minutes, passe à 17h alors que les informations en chinois sont diffusées à 19h, une heure de grande écoute.
Par ailleurs, la production de programmes originaux en tibétain est pratiquement inexistante. Entre 80 à 90% des programmes diffusés en langue tibétaine sur Quinghai TV lors de la tranche d'information sont des traductions de programmes chinois.
Les stations Radio Free Asia (RFA) et Voice of America (VOA), basées aux Etats-Unis, ainsi que Voice of Tibet, basée en Inde, sont les trois principales radios qui diffusent des programmes en langue tibétaine vers le Tibet. Mais ces programmes sont systématiquement brouillés.
Grâce à l'acquisition d'antennes ALLISS fabriquées par l'entreprise française Thalès, les autorités ont amélioré leurs capacités de brouillages. Notamment installées dans la ville de Kashi (extrême nord-ouest du pays), elles servent à brouiller les programmes des radios internationales.
Ainsi, la station Radio Free Asia utilise une dizaine de fréquences différentes pour tenter de contourner cette censure. Mais elles sont toutes systématiquement brouillées par la diffusion de bruits sourds et de musique. Récemment, à Pemba (préfecture de Chamdo), les autorités ont installé des tours pour bloquer les émissions. Depuis, les habitants ne captent plus Voice of America.
Dans la région de Kardze, les autorités ont distribué de nouveaux postes de radio à la population pour remplacer les anciens, sous prétexte que les nouveaux appareils étaient de meilleure qualité. Mais, ils sont bloqués sur une fréquence et ne permettent plus d'écouter les radios internationales.