7 questions à poser à Hassan Rohani si vous le croisez
En visite officielle à Paris, le président iranien Hassan Rohani donnera une conférence de presse jeudi 28 janvier. Reporters sans frontières (RSF) a listé quelques questions à lui poser.
1/ Vous avez promis un changement “en faveur de la liberté d’expression et de la presse” et vous êtes engagés à “libérer tous les prisonniers politiques”: comment se fait-il que l’Iran soit encore l’une des cinq plus grandes prisons au monde pour les journalistes?
Aujourd'hui 20 journalistes professionnels et presque autant de non-professionnels sont détenus en Iran en raison de leurs activités. Depuis l’accession de Rohani au pouvoir le 14 juin 2013, au moins 50 ont été arrêtés, certains lourdement condamnés et emprisonnés, majoritairement par des gardiens de la révolution. Onze journaux ont été suspendus.
2/ Vous êtes garant de l’application de la Constitution iranienne qui dit que "les publications et les journaux sont libres d’exprimer toutes opinions sauf celles qui troublent les fondements de l’islam et la pudeur publique.” Pourquoi ne l’appliquez-vous pas?
L’article 24 de la Constitution garantit la liberté de la presse. En 2015, l’Iran se situe pourtant à la 173ème place sur 180 du Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. Officiellement garant de l’application de la Constitution, Rohani peut mettre un terme à cette situation inacceptable. Pas moins de neuf institutions se chargent de mettre en œuvre une censure clairement anticonstitutionnelle.
3/ Comment se fait-il que le Guide suprême, Ali Khamenei, n'ait jamais accordé une conférence de presse ni la moindre interview ?
A part quelques mots à sa sortie de l’hôpital en septembre 2014, Ali Khamenei n’a jamais accepté de répondre aux questions des journalistes. Le Guide suprême de la République islamique depuis juin 1989 diabolise la presse et les nouveaux médias, en les désignant comme “ennemis étrangers à l’intérieur du pays”. Ali Khamenei vante l’Iran comme le pays plus libre du monde mais n'accepte aucune demande d’interview.
4/ Certes les Etats-Unis peuvent se prêter à des opérations de déstabilisation, mais pourquoi considérez vous systématiquement tous les journalistes critiques comme des espions occidentaux et des traîtres ?
“Espionnage”, “collaboration avec des états étrangers” ou “projet d’infiltration ennemi, d’action contre la sécurité nationale et de relations avec des journalistes étrangers“, sont les chefs d’accusation retenus à l’encontre de la plupart des journalistes arrêtés et emprisonnés en Iran. Ces scénarios paranoïaques, qui permettent aux autorités de procéder à des “arrestations préventives”, sont aussi utilisés pour faire taire les journalistes et les intellectuels iraniens.
5/ Quand demanderez-vous au Parlement de modifier la loi sur la presse qui oblige les journalistes à porter la propagande du régime ?
La loi de 1986 sur la presse (amendée en 2000 et en 2009 pour prendre en compte les publications en ligne) permet au pouvoir de vérifier que les journalistes ne “portent pas atteinte à la République islamique”, “n’offensent pas le Guide suprême” ou ne “diffusent pas de fausses informations”. Cette loi contredit clairement l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
6/ La prison d’Evin est une zone de non-droit : quand comptez-vous y mettre un terme?
La prison d’Evin est l’une des pires prisons du monde, comparée tantôt au stade de Santiago du Chili en 1973, tantôt au camp de Guantanamo. A l'intérieur, deux quartiers sécuritaires -les sections 209 et 240- sont respectivement contrôlés par le ministère des renseignements et des Gardiens de la Révolution. Contrairement aux dispositions prévues par la loi iranienne, les noms des détenus de ces quartiers - dont plusieurs journalistes- ne figurent pas dans les registres officiels de la prison. Le directeur de la prison lui même n’a pas l’autorisation d’en visiter les dortoirs.
7/ Vous avez remplacé l'”Internet halal” par un “filtrage intelligent” : la situation est en fait la même et le Net reste contrôlé. A quand un accès libre au Web ?
L’assouplissement en matière de surveillance et de contrôle d’Internet par rapport à l’époque d’Ahmadinejad n’est qu’une façade. L’’instauration d’un “Internet halal” a simplement changé de nom au profit du “filtrage intelligent”, un accès sélectif et contrôlé à l’Internet et surtout aux réseaux sociaux. La censure, officiellement destinée à protéger la population contre des contenus immoraux, s’est étendue aux informations politiques, traitant de religion ou encore aux sites consacrés aux droits fondamentaux et notamment ceux des femmes.