États-Unis : les fake news du candidat républicain à la vice-présidence J.D. Vance menacent réellement les journalistes

Une fausse information diffusée par le candidat républicain à la vice-présidence, J.D. Vance, et devenue virale, a donné lieu à une vague de menaces violentes envers les immigrés haïtiens aux États-Unis, dont des journalistes de l'hebdomadaire “The Haitian Times”. Après avoir couvert l'affaire, l'organe de presse est devenu lui-même une cible, mettant en évidence les dangers réels que la désinformation politique peut créer pour les journalistes et le journalisme.

Le Haitian Times, média en ligne couvrant notamment l’actualité de la communauté haïtienne américaine, a reçu des menaces anonymes et le domicile de Macollvie Neel, l’une de ses journalistes, a été perquisitionné par la police à la suite d’une fausse déclaration de délit. Ces incidents ont eu lieu quelques jours après que le candidat républicain à la vice-présidence, J.D. Vance, a fait circuler sur Facebook une allégation, qui a ensuite été réfutée selon laquelle des migrants haïtiens réinstallés dans la ville de Springfield, dans l'Ohio, volaient et mangeaient les animaux domestiques des habitants de la ville. 

Dans les semaines qui ont suivi la diffusion de cette fausse information par J.D. Vance, la ville de Springfield a fait l'objet de dizaines d’alertes à la bombe et ses dirigeants ont été inondés de courriers haineux et menaçants. Les manifestations racistes et xénophobes ont fait naître un sentiment d'insécurité chez les résidents haïtiens, y compris chez les journalistes du Haitian Times, qui ont été contraints d’annuler un événement public qu’ils ont organisé pour la communauté.

Au lieu de se rétracter, J.D. Vance s'est défendu et a affirmé qu'il était prêt à créer des histoires pour que les médias américains y prêtent attention”

“En admettant qu'il invente des histoires pour servir ses objectifs politiques, J.D. Vance pousse le cynisme jusqu’à avouer à demi-mot ce qu'il cherchait à cacher. Donald Trump utilise cette méthode depuis longtemps – mais sans jamais l’admettre. Il en résulte des risques accrus pour les journalistes et pour le journalisme dans son ensemble. Reporters sans frontières (RSF) est profondément préoccupée par l'attitude pour le moins légère de J.D. Vance à l'égard des faits. En plus d'exacerber les dangers réels évidents pour les médias, comme cette affaire le démontre aujourd’hui, une telle désinformation délibérée empoisonne l'espace informationnel, rendant plus difficile pour les citoyens de distinguer les faits de la fiction. J.D. Vance devrait profiter du débat entre les candidats à la vice-présidence de mardi soir pour clarifier la situation, admettre que ces histoires sur les migrants haïtiens sont fausses et condamner la violence envers les journalistes.”

Clayton Weimers

Directeur du bureau Amérique du Nord de RSF

 

“Le fait que J.D. Vance admette ce qui s'apparente à une manipulation des médias est une preuve supplémentaire que sa campagne veut réduire au silence les médias comme le Haitian Times, dont la mission est de mettre en valeur les histoires des immigrés américains. Dans l'intérêt des communautés d'immigrés à travers l'Amérique et de notre écosystème médiatique, j'espère qu'il devra rendre des comptes dans toute la mesure du possible. J'espère également que ses propos serviront de signal d'alarme pour le secteur des médias pour qu’il soit vigilant quant aux tentatives permanentes de faire passer des arrières-idées destructrices via nos plateformes à l'approche du jour de l'élection.” 

Macollvie Neel

Journaliste du “Haitian Times”

 

Une longue histoire de diffusion de fausses informations

La carrière politique de l'ancien président Donald Trump a été en partie marquée par sa propension à répandre des mensonges. Au cours de son premier mandat, il a fait plus de 30 000 déclarations fausses ou trompeuses, un volume d'inexactitudes jamais égalé dans l'histoire des États-Unis. Parmi ses positions les plus dangereuses :  son refus constant de reconnaître les résultats électoraux qui lui sont défavorables. Pendant les primaires républicaines de 2016, il a affirmé à plusieurs reprises que les caucus de l'Iowa et du Colorado, où il a perdu face à Ted Cruz, étaient truqués. Après l'élection de 2016, Donald Trump a maintenu qu'il avait remporté le vote populaire moins “les millions de personnes qui ont voté illégalement”. Il a refusé à plusieurs reprises d'accepter sa défaite face au président Joe Biden en 2020. 

Autre démonstration de la manière dont la désinformation peut conduire à la violence, Donald Trump avait répété ces fausses affirmations d'élection volée lors d'un rassemblement à Washington, DC, le 6 janvier 2021, juste avant que ses partisans ne prennent d'assaut le bâtiment du Capitole des États-Unis, faisant au moins sept morts. Au cours de l'émeute, les partisans de Donald Trump ont détruit le matériel des médias et menacé la presse avec des messages tels que “Assassinez les médias !”. Tout au long de la présidence Biden, Trump a redoublé d'efforts dans son déni des résultats électoraux et a affirmé qu'il existait déjà une raison d'annuler une défaite en 2024. Tout en attaquant la presse comme “ennemie du peuple”, il mène également une campagne de désinformation qui enflamme l'opinion publique et suscite la méfiance à l'égard du journalisme. 

La lutte contre la désinformation : un enjeu majeur de la campagne électorale

RSF a récemment publié son plan en dix points pour la liberté de la presse aux États-Unis, dans lequel elle exhorte les candidats à la présidence à traiter les membres de la presse avec respect et à “réaffirmer publiquement le droit et la nécessité pour les journalistes de faire leur travail en toute sécurité”. RSF a déjà souligné le problème global de l'augmentation des attaques politiques contre les médias. Sur les cinq indicateurs que RSF mesure dans son Classement mondial de la liberté de la presse, où les États-Unis ont reculé cette année à la 55e place sur 180 pays, c'est l'indicateur politique qui a connu la plus forte baisse en 2024.

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