RSF s’alarme de l’arrestation d’un journaliste américain en Russie
Dans un acte inédit depuis la guerre froide, les services secrets russes ont arrêté et accusé d’espionnage le correspondant du Wall Street Journal, Evan Gershkovich. Il risque jusqu’à 20 ans de prison. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités russes à clarifier l’objet de ces poursuites et à libérer le journaliste, qui doit avoir accès à son avocat.
C’est le premier journaliste étranger arrêté en Russie depuis l’invasion menée par le Kremlin en Ukraine. Evan Gershkovich, correspondant du Wall Street Journal, est accusé d’espionnage par le FSB et risque jusqu’à 20 ans de prison. Il recueillait, selon le service de renseignement russe, des informations, pour le compte des États-Unis, sur un “complexe militaro-industriel russe”, ce qui “constitue un secret d'État". Transféré en un temps record de Ekaterinbourg (Sibérie occidentale) à Moscou, il a été placé en détention provisoire par un tribunal de la capitale sans que son avocat n’ait pu lui parler.
“Rien n’indique que ce journaliste reconnu agissait au-delà de son travail d’enquête de terrain légitime, pour son média, rappelle la responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF, Jeanne Cavelier. RSF s'alarme de l’arrestation d’Evan Gershkovich qui ressemble à une mesure de "représailles" de la Russie envers les États-Unis et s’inscrit dans la volonté du Kremlin d’intimider les journalistes occidentaux présents sur son territoire. Nous appelons les autorités russes à fournir des informations précises sur ces accusations graves, à permettre au journaliste d’accéder à son avocat et à le libérer pour préparer sa défense.
Le journaliste de 31 ans, qui vit à Moscou depuis six ans, réalisait un reportage à Ekaterinbourg, ville de Sibérie occidentale. Le site d’information indépendant Mediazona rapporte qu’il se serait rendu à Nijni Taguil, au nord-ouest d’Ekaterinbourg, une ville industrielle connue pour ses usines d’armement. Selon son fixeur et le journal local Vechernye Vedomosti, Evan Gershkovich enquêtait sur place sur les stratégies de recrutements de populations locales par la société militaire privée Wagner. Il s’est connecté à Internet avec son téléphone pour la dernière fois vers 15h30 le 29 mars.
Cette arrestation s’inscrit dans un contexte de tension extrême entre les États-Unis et la Russie à cause de la guerre en Ukraine et de contrôle quasi-total de l’information par les autorités russes sur leur territoire. Avant Evan Gershkovich, le dernier cas de journaliste américain arrêté – à tort – pour espionnage sur le sol russe, celui de Nick Daniloff, datait de 1986.