Guyana: Une nouvelle loi sur l’audiovisuel adoptée sans aucune concertation
Reporters sans frontières (RSF) exhorte le président David A. Granger à ne pas donner son accord au projet de loi sur l’audiovisuel qui vient d’être adopté par l’Assemblée nationale du Guyana et à mener des consultations avec les sociétés de diffusion, qui sont les premières concernées par ce texte. Pour l’heure, aucune consultation n’a été engagée et le projet de loi soulève de nombreuses inquiétudes sur le plan de la liberté de la presse.
Le 4 août, l’Assemblée nationale du Guyana a adopté les amendements du projet de loi de 2017 sur l’audiovisuel, un texte qui a provoqué de vives critiques de la part des sociétés de diffusion et des groupes de presse locaux et régionaux, et dont l’entrée en vigueur dépend de l’accord du président du Guyana, David A. Granger.
D’après le gouvernement, cette nouvelle législation est censée s’attaquer à ceux qui émettent depuis longtemps de manière illégale dans le pays. Le projet de loi exige que tous les médias fassent une demande d’autorisation dans les 30 jours suivant l’entrée en vigueur de la nouvelle législation afin de pouvoir diffuser leurs programmes. Or, ce délai est jugé trop court par les organisations locales et régionales de défense de la presse. Les sociétés de diffusion qui n’auraient pas d’autorisation pourraient être condamnées à une amende allant jusqu’à un million de dollars guyaniens et un an de prison. Selon les défenseurs locaux de la liberté de la presse, ces sanctions sévères menacent l’existence même de nombreuses chaînes de télévision et stations de radio qui émettent sans autorisation, leur licence n’ayant pas été renouvelée au moment de leur expiration.
Autre pomme de discorde : une clause rendant obligatoire la diffusion en accès libre de 60 minutes de “programmes de service public” sur les radios et les chaînes de télévision entre 6 heures et 22 heures. Cette mesure a provoqué de nombreuses critiques de la part de l’Association de la presse du Guyana (GPA) qui, dans une déclaration publiée la semaine dernière, a estimé que cela “perturberait et porterait atteinte aux obligations contractuelles des rédactions envers les annonceurs ou les sponsors d’émissions”.
Toutefois, l’aspect le plus inquiétant de ce projet de loi réside encore dans son processus d’adoption. Aucune consultation avec les sociétés de diffusion n’a été menée alors même que ces dernières ont tenté à plusieurs reprises de rencontrer le Premier ministre Moses Nagamootoo en amont et durant le débat parlementaire de la semaine dernière. Moses Nagamootoo, de son côté, assure qu’elles ont été consultées en 2011 lorsque le projet de loi a été rédigé pour la première fois, tout en omettant de préciser que le texte adopté vendredi dernier contenait plusieurs amendements sur lesquels les sociétés de média n’ont jamais pu donner leur opinion.
“Le processus législatif du Guyana ne prend pas convenablement en compte les préoccupations des sociétés de diffusion concernant une nouvelle loi qui pourtant les concerne directement dans leur travail au quotidien et qui pourrait même menacer leur existence, déclare Margaux Ewen, directrice du plaidoyer et de la communication du Bureau Amérique du Nord de RSF. L’organisation exhorte le président Granger à ne pas valider cette loi tant que des consultations concrètes n’auront pas eu lieu et tant que ces préoccupations ne seront pas prises en compte.”
Dans une déclaration, l'ACM (Association of Caribbean Media Workers) a plaidé lundi pour l’organisation de réunions entre le président et les sociétés de diffusion, affirmant qu’il s’agissait de “la meilleure solution pour éviter une affaire judiciaire à rallonge qui nuirait aux intérêts des parties concernées”.
La république coopérative du Guyana est classée 60e sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2017 établi par RSF.