Ukraine : RSF dépose une troisième plainte à la Cour pénale internationale sur les attaques délibérées contre les journalistes par l’armée russe
Depuis le début de la guerre en Ukraine, les forces russes ont tiré délibérément sur au moins huit journalistes ou équipes de journalistes. Reporters sans frontières (RSF) dépose une nouvelle plainte auprès du procureur de la Cour pénale internationale.
Le 25 mars, RSF a transmis une troisième plainte au procureur de la Cour pénale internationale concernant le cas d'un fixeur de Radio-France détenu et torturé pendant neuf jours par les forces russes et dont RSF avait révélé le témoignage le 21 mars.
Le 16 mars, RSF avait transmis une deuxième plainte au procureur de la Cour pénale internationale (CPI) pour lui demander d’enquêter sur les crimes commis contre les journalistes par l’armée russe dans le conflit en Ukraine. Huit journalistes ou équipes de journalistes ont en effet été victimes de tirs délibérés par l’armée russe, ou ont été victimes de bombardements indiscriminés. Cette plainte faisait suite à une première plainte déposée par RSF le 4 mars pour dénoncer les attaques de tours de télévision par l’armée russe. Elle apportait des informations sur de nouvelles attaques contre des tours de télévision.
“Nous constatons une multiplication des attaques russes visant intentionnellement les journalistes, explique Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. L’intention de tuer est clairement établie dans plusieurs cas et la qualification de crime de guerre s’impose. Les journalistes sont protégés par le droit international en période de conflit, c’est le moment pour le procureur de la CPI de démontrer que cette protection n’est pas un vain mot. RSF mettra tout en oeuvre pour que ces crimes soient l’objet d’enquêtes, de poursuites et de sanctions pénales".
Depuis le 24 février, date de l’agression de l’Ukraine par l’armée russe, les attaques délibérées contre des journalistes se sont multipliées : une équipe du média britannique SkyNews a été ciblée par des tirs russes le 28 février près de Kiev, une voiture de l’équipe du média tchèque Voxpot s’est faite tirer dessus le 3 mars à Makariv, le journaliste suisse Guillaume Briquet a été ciblé par des tirs de snipers entre Kirovograd et Nikolayev le 6 mars, une équipe de la télévision Al Araby a également été visée par un tir de sniper le 8 mars, et le 9 mars, c’est la voiture de la journaliste ukrainienne Victoria Roshchina qui a été ciblée par des tirs.
Dans chacun de ces cas, les journalistes étaient clairement identifiables en tant que tels. RSF est en mesure d’affirmer que les tirs ciblaient délibérément les journalistes et qu’ils provenaient des forces russes. RSF a notamment recueilli les témoignages des journalistes d’Al Arabiya et de Guillaume Briquet et les a transmis au procureur de la CPI.
D’autres attaques ont eu lieu, dont RSF a des raisons sérieuses de considérer qu’elles ont été commises par l’armée russe sans être en mesure de l’établir formellement : les tirs délibérés contre l’équipe du média Danois Ekstra-Bladet le 26 février, qui a blessé grièvement deux journalistes, les tirs qui ont tué le journaliste américain Brent Renaud le 13 mars, ou encore l’attaque dont a été victime l’équipe de Fox News le 14 mars, qui a tué le cameraman franco-irlandais Pierre Zakrewski et sa consoeur Oleksandra Kuvshynova, et qui a blessé grièvement le journaliste Benjamin Hall.
Les journalistes sont considérés comme des civils en droit international et sont des personnes protégées. Les attaquer délibérément est un crime de guerre. Le nombre des attaques contre les journalistes et leur répétition permet de considérer qu’elles sont commises en application d’un plan ou d’une politique, en tous cas qu’elles sont commises sur une grande échelle, renforçant la qualification de ces faits en crime de guerre.
Il en va de même avec les nouvelles attaques contre des tours de télévision dont la plainte fait état : après les 4 tours de télévision attaquées entre le 1er et le 4 mars, deux nouvelles attaques ont ciblé les tours de télévision de Kharkiv et de Bilopillia.
L'Ukraine se situe à la 97e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse de RSF. La Russie occupe la 150e position.