Sénégal : RSF dénonce une série d'atteintes à la liberté de la presse
Alors que le pays est émaillé de heurts et de protestations après l'arrestation du principal opposant au président sénégalais, Reporters sans frontières (RSF) dénonce une multiplication des atteintes à la liberté de la presse inédite ces dernières années au Sénégal.
Les tensions observées cette semaine au Sénégal n’épargnent pas les médias. Cité dans une affaire de mœurs, Ousmane Sonko, le principal opposant au chef de l’Etat sénégalais Macky Sall a été arrêté mercredi 3 mars, déclenchant une vague de protestation et de nombreuses scènes de violences dans tout le pays. Dès le lendemain, le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) a suspendu pour 72 heures les signaux des chaînes de télévision privées SenTv et WalfadriTV en leur reprochant une ‘’couverture irresponsable de la situation’’ et des ‘’violations flagrantes de la réglementation’’.
La veille, l’organe de régulation avait mis en garde dans un communiqué ces deux chaînes et une autre, la 2Stv, en déclarant avoir constaté dans leur retransmission, des ‘’appels répétés au soulèvement populaire en diffusant des images d’insurrection en boucle’’.
Des médias ont également été sciemment attaqués. Jeudi soir, des individus ont partiellement détruit la devanture et les murs de l’immeuble abritant les locaux de la radio privée RFM et du quotidien L’Observateur, propriétés du Groupe Futurs Médias (GFM) du musicien Youssou Ndour. Selon des informations recueillies par RSF, les locaux du quotidien national Le Soleil ont également été attaqués par des individus qui y ont mis le feu.
Déjà mardi, des journalistes avaient été blessés par les forces de l’ordre lors de la dispersion d'un rassemblement, alors qu’ Ousmane Sonko se rendait à une convocation au tribunal de Dakar.
Des perturbations ont également été enregistrées sur les réseaux sociaux comme YouTube, Facebook et WhatsApp comme a pu le constater le bureau de RSF situé à Dakar.
"Nous exhortons les autorités à ne pas faire de l'information et de ceux qui la produisent des victimes supplémentaires de ces violences, déclare le directeur du bureau Afrique de l’Ouest de RSF, Assane Diagne. Nous demandons à l’autorité de régulation de lever les mesures de suspension qui constituent une sérieuse entrave à la liberté d'informer et d'être informé. Nous dénonçons également les attaques que rien ne justifie et rappelons aux autorités leur obligation d’assurer la sécurité des journalistes et de leur lieu de travail’’.
Dans un communiqué publié jeudi soir, le gouvernement a mis en garde contre ‘’la couverture tendancieuse des événements par certains médias, de nature à attiser la haine et la violence”.
Interrogé par RSF, le directeur de WalfadriTV, Moustapha Diop, qualifie la suspension de son média d’ ‘’inacceptable et scandaleuse’’, précisant que sa télévision ‘’n'a fait que retransmettre en direct les images des émeutes à Dakar et dans d'autres localités du pays’’. Le directeur assure même que plusieurs réunions ont été organisées dans sa chaîne pour insister sur la responsabilité qu’elle avait “de ne pas en rajouter" mais de “se limiter à informer juste et vrai”.
Le Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (SYNPICS) a vivement réagi, qualifiant la suspension des télévisions de “plan de décapitation de la presse sénégalaise’’ et l’ensemble des attaques visant les journalistes et les médias d'atteinte “au système de gouvernance” du pays. Le syndicat a demandé au ministre de l’Intérieur de “prendre toutes les mesures idoines pour assurer la sécurité des médias, quelle que soit leur ligne éditoriale’’.
Le Sénégal occupe la 47e place au Classement mondial de la liberté de la presse de RSF.