Discutée et adoptée dans la plus grande discrétion, cette loi fait pourtant largement parler d'elle depuis que les journalistes, blogueurs et usagers des réseaux sociaux ont pu en prendre connaissance. Tous pourront désormais être arrêtés et purger des peines de prison suite à la publication de propos perçus comme diffamatoires ou injurieux par les autorités du pays.
En réponse aux inquiétudes des internautes, le Premier ministre a organisé une réunion d'échanges le 30 juillet 2014 pour discuter de cette loi. Dans le compte-rendu de cette rencontre, on peut lire que l'article 20 sera "révisé et adouci pour être en harmonie avec le futur Code de la communication", code qui "sera transmis à l'Assemblée nationale lors de la session ordinaire de mai 1995"… Une date, de toute évidence erronée, laissant ainsi planer le doute quant à l'échéance de la révision de la loi.
L'article 20 de la loi stipule notamment que "l'injure ou la diffamation commise envers" les représentants de l'Etat par le biais de supports écrits ou électroniques sera punie de deux à cinq ans d'emprisonnement et/ou d’une amende de 2.000.000 (600 euros) à 100.000.000 d'ariary (30 000 euros).
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Le fait que la loi ne précise pas ce qui se cache derrière "l'injure" ou la "diffamation" laisse craindre des acceptations très larges de leurs définitions et d'importantes dérives, déclare Virginie Dangles, ajointe à la direction de la Recherche de Reporters sans frontières.
Une semaine après l'arrestation de deux journalistes suite à une plainte pour diffamation de plusieurs ministres, la révélation de cette loi prouve que le gouvernement malgache n'a nullement l'intention de s'engager vers la dépénalisation des délits de presse. Nous demandons fermement aux députés malgaches de revenir sur leur décision et de supprimer cet article lors de la révision de la loi."
"En tant que président, je suis contre l’emprisonnement des journalistes pour des faits entrant dans le cadre de leur profession et dans le respect de la loi" avait déclaré le président Hery Rajaonarimampianina suite au tôlé que l'
emprisonnement de deux journalistes avait provoqué le 21 juillet dernier. Une déclaration pleine de bonnes intentions mais vidée de son sens à l'heure où le cadre légal entourant la liberté de l'information devient lui-même liberticide.
Adoptée le 19 juin à l'Assemblée nationale, la
loi n°2014-006 sur la lutte contre la cybercriminalité a été déclarée conforme à la Constitution par la Haute Cour constitutionnelle malgache le 16 juillet dernier.
Madagascar occupe la 81ème place sur 180 pays, dans l’
édition 2014 du Classement de la liberté de la presse établi par Reporter sans frontières.
(crédit photo :THIERRY CHARLIER / AFP)