RSF dénonce le procès absurde des médias qui ont révélé un scandale de corruption d’envergure au Kirghizistan

Trois médias ont révélé une gigantesque affaire de corruption au sein des douanes kirghizes. A la veille de la reprise du procès, Reporters sans Frontières (RSF) demande l’acquittement des journalistes poursuivis.

Mercredi 29 janvier, les médias kirghizes Azattyk, Kloop et le journaliste Ali Toktakounov devront  se défendre face au puissant clan Matraïmov qui leur réclame près de 780 000 euros pour préjudice moral. Les médias en cause ont dévoilé l’étendue de la corruption orchestrée par le clan, qui compte un député et un ancien responsable des douanes dans ses rangs. La plainte des Matraïmov visait aussi le site d’information 24.kg, qui en échange de l’abandon des charges a fait marche arrière et publié un démenti le 27 janvier. Azattyk, Kloop et Ali Toktakounov ont refusé un tel arrangement à l’amiable.


“Il est absurde que les journalistes d’Azattyk et Kloop soient poursuivis pour leur travail, d’autant plus qu’il s’agit d’une enquête d’intérêt général qui mobilise toute la société civile kirghize, s’indigne la responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF, Jeanne Cavelier. RSF demande l’acquittement des médias poursuivis et du journaliste Ali Toktakounov et exhorte les autorités kirghizes à faire tout le nécessaire pour assurer la sécurité des journalistes travaillant sur ce dossier. La multiplication des attaques au cours de ces trois derniers mois nuit gravement à la liberté de la presse dans le pays.”


Récompensée par l’IJNet, l’enquête ayant révélé que 700 millions de dollars avaient été détournés du Kirghizistan, un pays pourtant parmi les plus pauvres au monde, a été menée par une vingtaine de journalistes des rédactions de Radio Azattyk, Kloop et l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Cette malversation a été rendue possible grâce à l’influence de Raïmbek Matraïmov, un ancien responsable des douanes. C'est l'assassinat de l’homme d’affaires Aierken Saimaiti, principal informateur des journalistes, qui a entraîné sa publication en novembre dernier.


Depuis, les journalistes kirghizes subissent d’importantes pressions. Le rédacteur en chef de Factcheck, Bolot Temirov a été ainsi agressé le 9 janvier, dans la foulée d’une cyberattaque contre son journal, sans doute en représailles de son enquête complémentaire avec Bellingcat sur la fortune d’Oulkan Tourgounova, l’épouse de Raïmbek Matraïmov. Le 12 décembre, les comptes d’Azattyk, Kloop et 24.kg ont été temporairement gelés sur décision de justice. En septembre 2019 enfin, un opérateur d’Azattyk a été roué de coups alors qu’il filmait l’extérieur d’une maison appartenant aux Matraïmov.


Les autorités kirghizes ont dénoncé ces représailles : le ministre de l’Intérieur s’est chargé personnellement de l’enquête sur l’attaque de Bolot Temirov tandis que le président Jeenbekov a appelé les journalistes d’Azattyk Ali Toktakounov et Ydyrys Isakov, qui résident à Prague, à revenir au Kirghizistan pour témoigner dans l’enquête sur l’assassinat de l’informateur, en promettant de garantir leur sécurité.


Le Kirghizistan occupe la 83e place au Classement mondial de la liberté de la presse 2019 de RSF.

Publié le
Updated on 29.01.2020