RSF appelle l’UE à se montrer ferme si la Pologne maintient sa nouvelle loi sur les médias
Les deux chambres du Parlement polonais ont adopté les 30 et 31 décembre 2015 une loi controversée donnant aux conservateurs du PiS (parti Droit et Justice), revenus au pouvoir deux mois plus tôt, la mainmise sur les médias publics. Reporters sans frontières (RSF) condamne l’adoption de cette législation, qui viole les valeurs fondamentales de l’Union européenne (UE), et demande à la Commission européenne, censée débattre sur « la situation de l’Etat de droit » en Pologne le 13 janvier prochain à Bruxelles, d’adopter les mesures qui s’imposent si Varsovie n’abandonne pas sa promulgation.
«La nouvelle loi donne tous pouvoirs au gouvernement pour nommer et révoquer les dirigeants des médias publics, c’est une atteinte flagrante au pluralisme et à la liberté de la presse. La Pologne est en train de suivre la voie liberticide empruntée par la Hongrie de Viktor Orban. L’Europe ne peut se permettre d’avoir en son sein deux Etats-membres violant, au su et au vu de tous, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », dénonce Alexandra Geneste, chef du bureau UE-Balkans de RSF à Bruxelles.
Jusqu'à présent, les patrons des médias publics étaient choisis selon une procédure supervisée par le Conseil national de l'audiovisuel (KRRiT). Plusieurs d’entre eux, dont les directeurs des deux chaînes généralistes de la télévision publique TVP1 et TVP2, ont présenté leur démission au lendemain de l'adoption de la législation. Le président polonais, Andrzej Duda, doit encore la signer avant qu’elle n’entre en vigueur.
Le Commissaire européen à l’économie et à la société numériques, l’Allemand Günther Oettinger, a menacé d’enclencher une procédure inédite de « mise sous surveillance » de Varsovie. De son côté, le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans a rappelé que « La liberté et le pluralisme des médias sont cruciaux (...) dans un État respectueux des valeurs communes (de l’UE) ». RSF s’en félicite. Le 13 janvier, la Commission européenne tiendra un débat « sur la situation de l'État de droit en Pologne ».
« Nous appelons la Commission européenne à se montrer ferme, le respect du pluralisme et de la liberté de la presse sont au nombre des critères de sélection pour l’accession à l’Union européenne, cette dernière ne peut exiger des pays candidats ce qu’elle ne saurait imposer à ses propres membres, il en va de sa crédibilité, fait remarquer Alexandra Geneste. A minima, Bruxelles se doit d’intimer à Varsovie d’amender le texte de loi.»
Si le gouvernement polonais refuse d’obtempérer, la Commission européenne a la possibilité d’entamer une « procédure pour atteinte aux valeurs fondamentales européennes ». Mise en place en 2014, cette procédure n’a encore jamais été engagée. Parmi les sanctions prévues : le retrait du droit de vote au sein du Conseil européen.
La Pologne occupait la 18ème place, sur 180 pays, du Classement mondial de la liberté de la presse 2015, l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi pourrait lui faire perdre son rang.