Plainte de WhatsApp contre NSO : RSF et 7 ONG interviennent dans la procédure
Plusieurs ONG, dont Reporters sans frontières (RSF), ont soumis un amicus curiae dans la plainte initiée aux Etats-Unis par WhatsApp contre NSO Group. Exploitant une faille de sécurité, l’entreprise israélienne avait déployé l’un de ses logiciels espion sur les appareils de plus de 100 acteurs de la société civile à travers le monde, dont plusieurs journalistes.
A la suite de la plainte déposée en Californie par le service de messagerie WhatsApp contre NSO, une entreprise israélienne spécialisée dans le développement de logiciels de surveillance, RSF et sept organisations de défense des droits humains ont soumis le 23 décembre un amicus curiae, une intervention dans la procédure, destinée à présenter des informations au tribunal pour l’aider à trancher l’affaire. Dans ce document, les ONG mettent en avant leurs arguments contre la demande de NSO de voir la plainte déclarée irrecevable.
Le logiciel espion Pegasus développé par NSO exploitait une faille de sécurité de WhatsApp. Un simple appel manqué sur la messagerie suffisait à installer Pegasus sur l'appareil du destinataire sans que celui ne s’en rende compte. Le logiciel donnait alors accès à de nombreuses données, dont les mails, les messages, le microphone, l’appareil photo et les coordonnées GPS. Cette vulnérabilité, exploitée par NSO entre avril et mai 2019, a permis à l’entreprise de déployer son logiciel de surveillance sur les appareils de plus 100 acteurs de la société civile à travers le monde, dont plusieurs journalistes.
Parmi les cas mentionnés dans l’amicus curiae, figure notamment celui du journaliste marocain Aboubakr Jamaï, exilé en France depuis 2007. Le journaliste avait fondé et dirigeait Le Journal hebdomadaire et Assahifa al-Ousbouiya, deux hebdomadaires ayant fait œuvre de pionniers en publiant des reportages sur la corruption du gouvernement et des entreprises, des éditoriaux critiques à l'égard du roi et en plaidant pour une véritable démocratie constitutionnelle au Maroc. A deux reprises ces deux dernières années, des médias marocains proches du pouvoir ont révélé des travaux confidentiels sur lesquels Jamaï travaillait en tant que consultant, divulguant des contenus qui n'auraient pu être obtenus qu'à partir de son téléphone afin de diffamer les connaissances professionnelles de Jamaï.
Alors que certains États ont de plus en plus recours à des outils de surveillance numérique pour traquer et cibler des journalistes, RSF et les organisations signataires de l’amicus soulignent la menace que ces outils représentent pour le droit à la liberté d’expression et à la vie privée, en particulier des journalistes et de leurs sources. Les intrusions dans les communications privées d’activistes et de journalistes ne sauraient être justifiées par des nécessités de sécurité ou de défense, mais visent uniquement à permettre que les opposants soient traqués et bâillonnés. Pourtant, NSO continue à fournir des technologies de surveillance à ses clients étatiques, tout en sachant qu'ils l'utilisent pour violer le droit international et manquant ainsi à sa responsabilité de respecter les droits de l'homme.
Ces dernières années plusieurs rapports ont révélé que ce même logiciel aurait été installé par d’autres biais que la faille de sécurité de WhatsApp sur les appareils de plusieurs journalistes à des fins de surveillance. Au Maroc, le journaliste et militant des droits de l'Homme, Omar Radi, co-créateur du site d’information Le Desk, aurait été ciblé par ce même logiciel de NSO de janvier 2019 à fin janvier 2020. Depuis la révélation de ces faits, le journaliste fait l’objet d’un véritable acharnement judiciaire. De nombreux autres journalistes ont été visés, comme Ben Hubbard du New York Times, ou encore Griselda Triana, l’épouse du journaliste mexicain assassiné Javier Valdez Cárdenas, ainsi que plusieurs de ses collègues. Le 20 décembre dernier, The Citizen Lab révélait qu’entre juillet et août 2020, des agents du gouvernement avaient utilisé le logiciel espion Pegasus du groupe NSO pour pirater 36 téléphones personnels appartenant à des journalistes, des producteurs, des présentateurs et des cadres d'Al Jazeera ainsi que le téléphone personnel de Rania Dridi, journaliste de la chaîne de télévision Al Araby, basée à Londres.
Organisations signataires :
- Access Now
- Amnesty International
- Committee to Protect Journalists
- Internet Freedom Foundation
- Paradigm Initiative
- Privacy International
- Reporters sans frontières (RSF)
- Red en Defensa de los Derechos Digitales (R3D)