L’état vietnamien s’acharne contre le journalisme-citoyen
Une semaine après avoir été passé à tabac, le journaliste-citoyen Nguyen Van Dai a été arrêté pour “propagande contre l'état”. Reporters sans frontières (RSF) dénonce cette nouvelle arrestation arbitraire et exhorte les autorités à mettre un terme au harcèlement des journalistes-citoyens vietnamiens.
Dimanche 6 décembre 2015, le journaliste-citoyen et cyberactiviste Nguyen Van Dai a été violemment agressé et blessé par des individus en civil, décrits comme des policiers par Nguyen Van Dai, dans la province de Nhge An (dans le nord du pays), alors qu’il rentrait chez lui à Hanoï. Il venait de participer à une réunion sur les droits de l’homme au Vietnam et la Constitution de 2013, organisée au domicile d’un ancien prisonnier de conscience, Tran Huu Duc, dans le district de Nam Dan. Cette conférence, à laquelle une soixantaine de personnes ont participé, se tenait dans le cadre de la “Semaine des droits de l’Homme au Vietnam” qui se clôturera le 10 décembre, 65e Journée internationale des droits de l’homme, créée par l’Assemblée générale de l’ONU. « Nous sommes révoltés par la violente agression ayant visé Nguyen Van Dai, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières. Personne n’ignore que l’engagement pour la liberté d’informer sur les droits de l’Homme vaut à Nguyen Van Dai une répression constante de la part des autorités. Nous demandons à la communauté internationale de faire pression sur les autorités afin que cessent ces méthodes mafieuses qui font du gouvernement de Nguyen Tan Dung, un gouvernement de malfrats ». Alors que Nguyen Van Dai rentrait à Hanoï en taxi, accompagné des activistes des droits de l’Homme Ly Quang Son, Vu Van Minh et Thang, des individus masqués circulant dans un van sans plaque d’immatriculation ainsi que des motards les ont suivis avant de les forcer à s’arrêter. Nguyen Van Dai a été traîné de force dans une voiture, dans laquelle il a été passé à tabac. Son téléphone, son portefeuille contenant près de 500 dollars et ses effets personnels lui ont été dérobés. Le journaliste-citoyen a ensuite été relâché par ses ravisseurs à une cinquantaine de kilomètres du lieu de la réunion. Nguyen Van Dai n’a pu retourner à Hanoï que deux jours après l’agression. Les autorités auraient tenté de l’arrêter alors qu’il essayait de regagner son domicile dans un autobus, quelques heures après l’agression. Quelques semaines plus tôt , Nguyen Van Dai avait dénoncé lors d’une interview à Radio Free Asia le harcèlement des collaborateurs de la web-TV indépendante Luong Tam Tv (Conscience TV), dont il fait partie. La chaîne fait en effet l’objet depuis son lancement en août dernier d’une campagne de harcèlement par les autorités. Sept de ses employés ont été interpellés les 23 et 24 septembre derniers, les domiciles du dissident Nguyen Vu Binh et de la présentatrice Le Thi Yen ont été fouillés, le matériel de la chaîne confisqué. La police avait également interrogé Nguyen Van Dai après ces interpellations. « Afin de changer la mentalité du pouvoir, il faut expliquer aux gens qu’ils ont des droits fondamentaux et qu’ils doivent en user, déclare Nguyen Van Dai à Reporters sans frontières. Ces attaques ne me décourageront pas. J’appelle les ONG internationales et les gouvernements démocratiques à tout mettre en oeuvre pour faire cesser ces violences, utilisées de manière croissante par les forces de police vietnamiennes au cours des dernières années, contre les activistes des droits de l’homme et les acteurs indépendants de l’information ». Nguyen Van Dai avait déjà ciblé par des agressions similaires, notamment en mai 2014, sans qu’aucune enquête ne soit ouverte. En juin 2013, il avait révélé et publiquement dénoncé la surveillance dont il faisait l’objet à son domicile. Après s’être procuré un détecteur de micros, il avait découvert que les autorités l’écoutaient depuis une pièce attenante à son appartement, attirant ainsi l’attention sur le renforcement de la surveillance et de la censure « physique » à l’encontre des blogueurs vietnamiens. Leader du mouvement démocratique vietnamien, notamment signataire de l’appel du « Bloc 8406 », et ardent défenseur des droits de l’homme, ce cyber-dissident a régulièrement publié des articles en faveur de la démocratie sur des sites internet basés à l’étranger. Il a été condamné en 2007 à quatre ans de prison pour « propagande contre le gouvernement ». Le Vietnam occupe la 175e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2015.