Emilio Gutiérrez Soto : "Si je ne m'étais pas enfui, je figurerais dans les statistiques des homicides"
Reporters sans frontières rend public le témoignage d'Emilio Gutiérrez Soto, journaliste du nord du Mexique, réfugié avec son jeune fils aux Etats-Unis et détenu pendant sept mois par les services d'immigration, avant d'être libéré, le 29 janvier 2009. L'organisation plaide à nouveau pour que l'asile lui soit bientôt accordé.
Libéré le 29 janvier 2009 après sept mois passés au centre de détention d'El Paso (Texas), Emilio Gutiérrez Soto, journaliste du quotidien El Diario del Noroeste, a accordé un entretien à Reporters sans frontières. L'organisation en publie aujourd'hui l'intégralité.
Le journaliste mexicain, réfugié aux États-Unis avec son fils adolescent, le 15 juin 2008, est revenu sur son départ précipité de l'État de Chihuahua (Nord), où il résidait et travaillait, après avoir été menacé par des militaires. Il a également rappelé les circonstances de son arrestation par les services d'immigration des États-Unis et les conditions de son séjour carcéral. “Si je ne m'étais pas enfui aux États-Unis, je figurerais dans les statistiques des homicides”, a notamment confié Emilio Gutiérrez, dont un collègue du même journal, Armando Rodríguez Carreón, a été assassiné le 13 novembre 2008 à Ciudad Juárez, au cours d'une période d'extrême violence.
“L'histoire d'Emilio Gutiérrez est malheureusement exemplaire de la situation dramatique que doivent affronter les journalistes mexicains, de part et d'autre de la frontière avec les États-Unis, où sont établis les principaux bastions du narcotrafic. Cette situation affecte aussi, bien que dans une moindre mesure, leurs collègues américains”, a rappelé Reporters sans frontières.
“Le récit d'Emilio Gutiérrez ne permet pas de comprendre pourquoi un journaliste, sans défense et craignant pour sa vie, a pu être détenu, et si longtemps, dans l'attente de sa régularisation. Il souligne cependant que la menace qui pèse sur la presse mexicaine de la région ne provient pas seulement des rangs du crime organisé, mais aussi des autorités elles-mêmes. En publiant ce témoignage, nous plaidons pour un effort concerté entre les gouvernements fédéraux des deux pays, afin de sécuriser la zone frontalière. Nous espérons également que le droit d'asile sera plus facilement accordé à des professionnels des médias exposés à un danger de cette ampleur. Ce message ne vaut pas seulement pour les États-Unis mais également pour d'autres pays, comme le Canada, susceptible d'accueillir des journalistes mexicains contraints à l'exil. Nous voulons croire qu'Emilio Gutiérrez obtiendra rapidement son titre de séjour”, a conclu Reporters sans frontières.