Deux ans après l'assassinat de Camille Lepage, l'enquête au point mort
Voilà deux ans ce jeudi 12 mai que la journaliste Camille Lepage a perdu la vie dans une embuscade alors qu’elle était en reportage en République centrafricaine. Depuis deux ans l’enquête piétine et les promesses de faire toute la lumière sur les circonstances de sa mort restent lettres mortes. Reporters sans frontières (RSF), qui s’est constituée partie civile dès l’ouverture de l’enquête à Paris, et la mère de Camille Lepage, Maryvonne Lepage, renouvellent leurs demandes auprès des autorités françaises afin que les moyens nécessaires soient mis en œuvre pour enfin faire avancer l’enquête.
Le 12 mai 2014, la jeune photojournaliste Camille Lepage, en reportage auprès de la milice Anti-Balaka, a été tuée par balle dans la région de Bouar, à l'Ouest de la RCA lors d'une embuscade. A ce jour aucun des assaillants n’a pu être identifié.
A l’occasion de la visite du chef d'Etat français en République centrafricaine, Reporters sans frontières rappelle à François Hollande son engagement à ce que: “tous les moyens nécessaires (soient) mis en œuvre pour faire la lumière sur les circonstances de cet assassinat”. L’organisation souhaite qu’à l’occasion de cette visite, le Président renouvelle son appel à un progrès rapide et effectif de l’enquête, disposant de toutes les ressources nécessaires.
"Nous, la famille de Camille, avons besoin de savoir qui étaient les assaillants, déclare Maryvonne Lepage, la maman de Camille. L'incertitude est difficile à vivre. La poursuite de l'enquête sur place est indispensable et devrait permettre d'éclaircir certains points qui demeurent encore obscurs depuis deux ans aujourd'hui."
Une procédure avait en effet été immédiatement ouverte en France dès la mort de la jeune journaliste mais n’a que très peu progressé depuis. Une première et unique visite d’un groupe d’enquêteurs a eu lieu en juin 2014, suivie d’une commission rogatoire internationale reçue par le procureur centrafricain en septembre 2014. Celle-ci n’a à ce jour jamais été exécutée. Les autorités centrafricaines arguent du manque de moyens nécessaires pour faire avancer l’enquête, notamment l’absence de véhicule pour se rendre sur les lieux de l’assassinat.
En juin 2015, Maryvonne Lepage et RSF ont été reçues au Centre de crise où des engagements ont été pris, à nouveau, de signaler à l’ambassade de France en RCA l’importance de soutenir l’enquête mais les parties civiles n’ont été informées d’aucune avancée dans ce sens.
A ce jour, la juge Virginie Van-Geyte prévoit d'envoyer prochainement un groupe d’enquêteurs mandaté, entre autre, pour poursuivre l’enquête sur la mort de Camille Lepage.
“Nous saluons l’envoi de cette commission, mais nous tenons à insister sur l'importance qu'elle dispose du mandat et des personnels nécessaires pour mener l’enquête de façon efficace une fois sur place, déclare Reporters sans frontières. La République centrafricaine est actuellement dans une situation difficile et le succès de l'investigation demandera des moyens particuliers, sans quoi nous resterons au point mort."
Les parties civiles, RSF et la famille de Camille Lepage, ont formulé des recommandations dont elles espèrent pouvoir faire part à la juge très prochainement. Elles demandent à ce qu'un nombre suffisant d'enquêteurs soient spécifiquement dédiés à l’enquête sur la mort de Camille Lepage, qu’ils aient accès aux lieux du crime et soient donc autorisés à voyager hors de Bangui jusqu’à la scène de crime à Amada Gaza, et qu’au moins l’un d’entre eux ai une expertise en balistique afin de pouvoir analyser certains éléments du dossier plus avant. Les parties civiles souhaitent soumettre également une liste de personnes, identifiées lors du déplacement en RCA de Maryvonne Lepage en avril 2016, susceptibles d’être interrogées et d’apporter des informations supplémentaires à l’enquête.
Expérimentée malgré son jeune âge, Camille Lepage était une photojournaliste indépendante, engagée et courageuse qui n’hésitait pas à mettre son talent journalistique au service de ce qu’elle appelait les “causes oubliées”. Elle avait couvert la révolution égyptienne en 2011 puis s’était intéressée à la naissance du Soudan du Sud en 2012 avant de s’envoler pour la RCA en 2013. Ses clichés hors pairs, qui témoignent avec une extrême justesse du conflit embrasant le pays, avaient été largement relayés par la presse internationale.
La République Centrafricaine est classée 110ème sur 180 pays au Classement sur la liberté de la presse établi par RSF en 2016.