Détention d’Amadou Vamoulké au Cameroun : RSF saisit deux rapporteurs spéciaux de la Commission Africaine
Alors que l’ex-dirigeant de l’audiovisuel public camerounais Amadou Vamoulké s’apprête à comparaître pour une 23e audience, Reporters sans frontières (RSF) a saisi les rapporteurs spéciaux sur la liberté d’expression et sur la détention de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples afin qu’ils se penchent sur la situation du journaliste incarcéré sans avoir été jugé depuis plus de trois ans.
La 23e audience devant le tribunal criminel spécial (TCS) prévue ce mercredi 9 octobre sera-t-elle la dernière pour Amadou Vamoulké? Après vingt-deux renvois consécutifs, plus de trois ans de détention et un procès qui a très largement dépassé le délai maximum de neuf mois au cours duquel les prévenus sont censés être jugés par ce tribunal, RSF a décidé de porter le cas de l'ancien patron de la CRTV à l’attention de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Le rapporteur spécial sur la liberté d’expression et l’accès à l’information ainsi que son homologue en charge des prisons, des conditions de détention et de l’action policière ont été officiellement saisis par notre organisation ce lundi 7 octobre.
Les rapporteurs spéciaux sont des mécanismes instaurés par la Commission Africaine des droits de l'Homme et des Peuples, organe de l'Union Africaine, à laquelle le Cameroun est partie. RSF leur demande, comme leur mandat les y autorise, de prendre attache directement avec les autorités du Cameroun, d'entreprendre une visite dans le pays et d'interpeller publiquement les autorités de l'Etat pour leur demander qu’ Amadou Vamoulké soit libéré.
“Nombre record de renvois, procédure à rallonge en violation des standards internationaux et du droit camerounais lui-même, détention préventive illégale, absence de soins appropriés malgré l’établissement de plusieurs certificats médicaux, aucun journaliste de la région n’a subi un tel acharnement ces dernières années, dénonce Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Face aux possibilités limitées de recours sur place, RSF a choisi d’accentuer la pression pour la libération de ce journaliste en saisissant deux rapporteurs spéciaux de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.”
Si la situation d’Amadou Vamoulké ne trouvait pas rapidement une issue, RSF pourrait envisager de saisir directement la Commission Africaine et de lui demander de déférer ce cas à la Cour, en vue de faire condamner l'Etat Camerounais pour violation des droits de ce journaliste.
En mars, RSF avait écrit au président Paul Biya pour lui demander d’utiliser ses prérogatives afin de faire libérer Amadou Vamoulké à qui il avait confié les rênes de la CRTV en 2005. Cette lettre rendue publique est restée sans réponse.
Saisi par un groupe de députés sur la situation du journaliste, le ministère français des Affaires étrangères avait indiqué dans sa réponse que l’accusation “n’avait pas apporté la preuve de la pertinence de son action” et annoncé qu’elle suivrait “avec la plus grande attention” les conclusions du groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire saisi quelques semaines plus tôt par RSF.
Amadou Vamoulké est officiellement poursuivi pour des détournements de fonds au seul profit de la CRTV. L’accusation n’a produit ni document ni témoin à charge malgré le nombre record d’audiences qui se sont tenues.
Plus de trois ans après son arrestation, et en l’absence de perspective d’une résolution rapide de sa situation sur le plan judiciaire, Amadou Vamoulké a vu sa santé se détériorer ces dernières semaines. Deux rapports médicaux, l’un réalisé par l’hôpital central de Yaoundé, l’autre par l’hôpital américain de Paris, indiquent clairement que le journaliste doit subir des examens et des traitements qui ne peuvent être réalisés sur place. RSF continue à demander son évacuation sanitaire.
Le Cameroun occupe la 131e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2019.