Turquie : 25 journalistes kurdes ont été emprisonnés en six mois, RSF appelle les autorités à prendre des mesures pour protéger la liberté de la presse

En seulement six mois, 25 journalistes kurdes ont été mis sous les verrous en Turquie. Six mois après les premières arrestations, Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités turques à rendre public les actes d’accusation et à prendre des mesures urgentes pour protéger les droits des journalistes et la liberté de la presse.

Le 16 juin dernier, 16 journalistes kurdes, soupçonnés “d’appartenance à une organisation terroriste”  ont été arrêtés dans la province de Diyarbakir, au sud-est du pays. Bien qu’aucun acte d’acte d’accusation n’ait été délivré contre eux, neuf autres journalistes kurdes ont été arrêtés le 29 octobre pour le même motif, avant d’être jetés en prison. En seulement six mois, 30 journalistes travaillant dans la province pro-kurde ont été placés en garde à vue et 25 d’entre eux ont été mis sous les verrous en Turquie. RSF exhorte les autorités turques à immédiatement rendre public les actes d’accusation et à libérer les journalistes si les charges ne reposent que sur l’exercice de leur métier. Elles doivent également prendre des mesures urgentes pour cesser les arrestations abusives de journalistes.

« Six ans après la tentative de coup d’Etat, qui avait conduit la Turquie à devenir la plus grande prison du monde pour les journalistes, le pays reprend de manière dramatique ses mauvaises habitudes d’emprisonner des professionnels des médias, en raison d’une ingérence politique accrue dans le système judiciaire et d’un régime autoritaire envers la question kurde et le paysage médiatique kurde. Il est inacceptable que des journalistes soient détenus pendant des jours et des mois sans même qu’ils aient été mis en examen ou condamnés », déplore le représentant de RSF en Turquie, Erol Önderoglu.

Erol Önderoglu
Représentant de RSF en Turquie

Six mois sans l’ombre d’un procès

Depuis l’échec des négociations de paix avec le PKK (Parti des travailleurs kurdes) au printemps 2015, la Turquie mène une offensive contre cette organisation (définie comme « terroriste » par l’UE et Ankara) à l’intérieur de ses frontières, tout en opérant une répression à grande échelle contre les médias critiques, les universitaires et les mouvements de défense des droits humains. Ces récentes incarcérations massives rapprochent la Turquie – comme pendant les années de l’état d’urgence en 2016, 2017 et 2018 après la tentative du coup d’Etat– des pays qui emprisonnent le plus de journalistes au monde.

Alors qu’ils travaillaient pour des médias et des sociétés de production traitant de la société kurde, 20 journalistes ont été placés en garde à vue le 8 juin. Après huit jours de détention, 16 d’entre eux ont été emprisonnés sous l’accusation d’« être un membre d’une organisation terroriste – le PKK ». 

Les journalistes détenus sont Serdar Altan, coprésident de l’Association des journalistes Dicle-Fırat (DFG) ; Safiye Alagas, directrice de l’agence de presse féminine JinNews ; Mehmet Ali Ertaş, rédacteur en chef du site Xwebûn ; Aziz Oruç, chef de publication de Mezopotamya Agency (MA) ; ainsi que Zeynel Abidin Bulut, Ömer Çelik, Mazlum Doğan Güler, Ibrahim Koyuncu, Neşe Toprak, Elif Üngür, Abdurrahman Oncü, Suat Doğuhan, Remziye Temel, Ramazan Geciken, Ayse Kara, Lezgin Akdeniz et Mehmet Şahin.

Selon leurs avocats, joints par RSF, ils ont été questionnés, lors de leur interrogatoire, sur leurs soi-disant « liens » avec des médias pro-PKK basés en Europe, ainsi que sur leur activité sur les réseaux sociaux, leurs relations avec leurs collègues, leur approche de la « question kurde », leur définition du terme « guerre » pour les conflits dans le nord de l’Irak et à la frontière syrienne.

Six mois après leur arrestation, aucun acte d’accusation formel n’a été dressé contre eux et ils n’ont toujours pas été jugés. 

Les activités journalistiques en question

Fin octobre, 10 autres journalistes kurdes ont été placés en garde à vue à Ankara, la capitale turque, également pour soupçons d’appartenance. Les journalistes de MA et de JinNews, le rédacteur en chef Diren Yurtsever et les journalistes de MA Berivan Altan, Deniz Nazlim, Selman Güzelyüz, Hakan Yalcın, Ceylan Şahinli, Emrullah Acar, ainsi que les journalistes de JinNews Habibe Eren et Öznur Değer ont été arrêtés le 29 octobre. Mehmet Günhan, stagiaire pendant un certain temps à MA, a été mis en liberté sous contrôle judiciaire. 

Au cours de l’interrogatoire judiciaire, les journalistes ont été questionnés sur leur appartenance à l’association Dicle and Firat Journalists (DFG), sur leurs reportages, leurs relations avec les médias, leurs posts sur les réseaux sociaux et leurs déplacements. La justice a aussi cherché à savoir  de qui ils avaient reçu l'instruction de faire leur reportage.

La Turquie occupe le 149e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022. 

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