La détention d’Evan Gershkovich relève de la prise d’otage institutionnelle 

Plus de 24 heures après son placement en détention provisoire, les autorités russes, qui affirmaient avoir pris le journaliste du Wall Street Journal “la main dans le sac”, n’ont pas été en mesure de communiquer le moindre élément. Son placement en détention a été ordonné au mépris des droits de la défense, ce qui prouve la mauvaise foi des autorités russes.

Le dossier judiciaire de Evan Gershkovich fait l’objet d’un traitement arbitraire évident. Transféré à Moscou après que le FSB avait confirmé son arrestation pour espionnage, il est resté coupé du monde, et privé des droits de la défense. Impossible pour son avocat, Daniil Berman, d’accéder à la salle du tribunal Lefortovo de Moscou, alors que la décision était prise de le placer en détention provisoire. Les médias qui étaient venus couvrir l’évènement ont également refoulés du bâtiment sans explications. 

D’après le journal indépendant Mediazona Evan Gershkovich se serait rendu à Nijny Tagil, ville industrielle où se trouve la grande usine militaire d’Uralvagonzavod, un site historique et mythique de la seconde guerre mondiale qui produit depuis les années 90 des tanks Т-90. Le FSB lui reproche officiellement d’avoir cherché à recueillir des informations classées “secret d’État” dans des usines du complexe militaro-industriel russe. Serait-ce le cas que cela ne caractérise en aucun cas l’espionnage. 

Le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, assure que le journaliste a été pris en flagrant délit, “la main dans le sac”. Pour autant, aucune preuve tangible de la culpabilité du journaliste, accrédité depuis plusieurs années en Russie, n’a jusqu’ici été présentée. 

“La détention d’Evan Gershkovich relève manifestement de la prise d’otage institutionnelle. Les autorités russes font preuve d’une mauvaise foi caractérisée, sinon elles respecteraient les droits de la défense. Nous savons que ce régime est créatif en matière de manipulations, notamment envers les journalistes.

Christophe Deloire
Secrétaire général de RSF

Les tensions croissantes entre la Russie et les États-Unis ne sont certainement pas étrangères à cette arrestation. De nombreux experts estiment que les autorités russes voient en Evan Gershkovich une potentielle monnaie d’échange pour négocier la libération d’espions russes. Il pourrait s’agir de Sergueï Tcherkassov, agent russe récemment inculpé aux États-Unis, qui avait notamment tenté d’infiltrer la Cour pénale internationale (CPI) l’été dernier. Ce mécanisme d’échange avait permis la libération de Nick Daniloff, dernier journaliste américain détenu à Moscou pour espionnage. C’était en 1986, dans les heures les plus glaciales de la guerre froide.

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