En procès au Bélarus, la journaliste Maryna Zolatava cultive l’espoir depuis la prison

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“En quoi une journaliste respectée pour son professionnalisme est-elle une “menace à la sécurité nationale” du Bélarus ? Maryna Zolatava est contrainte de se défendre face à des accusations ridicules, à huis clos, devant un tribunal à la botte du pouvoir, s’indigne Jeanne Cavelier, responsable du bureau Europe de l'Est et Asie centrale de RSF. Ce cirque judiciaire doit prendre fin. RSF appelle à libérer cette figure du journalisme, odieusement assimilée à une “terroriste.” 

C’est en octobre 2022 que la rédactrice en chef de TUT.BY, Maryna Zolatava est ajoutée à la liste officielle des “terroristes”. Ses confrères découvrent à cette occasion qu’elle est poursuivie pour “incitation à la haine” et “menace à la sécurité nationale”, des charges passibles chacune de 12 ans de prison, en particulier pour avoir publié sur TUT.BY des informations “portant atteinte à la sécurité nationale”, selon le bureau du procureur.

Arrêtée avec 14 autres collaborateurs lors de la perquisition des bureaux du média et de sa fermeture le 18 mai 2021, Maryna Zolatava doit aussi répondre d’une poursuite pénale pour “évasion fiscale” à grande échelle. Cette accusation initiale, une fraude de plus de 3 millions de roubles biélorusses (environ 1,1 million d’euros), est liée à l’utilisation supposée d’un logiciel auquel le média n’aurait pas dû avoir accès car développé en-dehors du “parc des hautes technologies” au sein duquel TUT.BY était hébergé. C’est ce qu’a expliqué au lendemain de la perquisition un représentant de l’organe d’Etat à l’origine de la poursuite, interviewé par la chaîne d’Etat ONT, sans préciser la nature du service et du logiciel en question.

Une “terroriste” humaine et professionnelle

L’acharnement du régime d’Alexandre Loukachenko contre les médias indépendants n’entame pas l’espoir de la journaliste de 45 ans. Dans l’une de ses lettres écrites depuis la prison, “certaine que la justice prévaudra tôt ou tard”, elle affirme : “TUT.BY existe encore réellement, car mon équipe continue de travailler sur les réseaux sociaux et je leur en suis infiniment reconnaissante. [...] TUT.BY ne disparaîtra pas.” De fait, en juillet 2021, une partie de la rédaction en exil a relancé le média, rebaptisé Zerkalo (“miroir” en russe). Bloqué à son tour au Bélarus et déclaré matériel extrémiste le mois suivant, le site a été remis en ligne sur le réseau national par RSF via son opération de contournement de la censure Collateral Freedom.

Respectée par ses pairs, admirée de ses anciens collaborateurs, récompensée de nombreuses fois pour la qualité de son travail, Maryna Zolatava a largement contribué à l’ascension de TUT.BY, qui comptait 3,3 millions de visiteurs uniques avant sa fermeture par les autorités selon une étude de la société Gemius, soit un habitant sur trois. Journaliste depuis ses 19 ans, elle a rejoint en 2004 ce média dont elle est rapidement devenue la rédactrice en chef. 

Cette travailleuse acharnée, passionnée de musique des Balkans, prenait malgré tout le temps de pratiquer des sports - semi-marathons, natation, patins à roulettes, badminton -, selon sa fille Nadzeya. Louée pour ses qualités humaines et ses principes moraux, d’un optimisme sans faille malgré les persécutions, Maryna Zolatava avait témoigné pour RSF en décembre 2020 de l’intensification de la répression de la presse depuis la présidentielle contestée du 9 août 2020.

Ironie du sort, la journaliste se trouve aujourd’hui à Minsk dans la même prison que son arrière-grand-mère, incarcérée pendant la Seconde guerre mondiale lors de l’occupation du pays par les nazis pour avoir, en sa capacité de médecin, caché des enfants juifs et fourni des médicaments aux résistants soviétiques biélorusses. C’est la première chose à laquelle elle a pensé en arrivant là-bas.

Rien ne filtre de son procès en cours. Seules des photos de l’agence de presse étatique BelTA montrent Maryna Zolatava et Lioudmila Tchekina, respectivement rédactrice en chef et directrice générale de TUT.BY, parquées sur le banc des accusés, séparées de la cour par des barreaux comme de dangereuses criminelles. Trois autres de leurs collègues qui devaient être jugées en même temps - Volha Loïka, Alena Talkatchova et Katsiaryna Tkatchenka - ont fui le pays, après avoir été libérées sous conditions au printemps 2022.