Burkina Faso : les menaces se multiplient contre les journalistes

Depuis le mois de mai, quatre journalistes ont fait l’objet de violentes menaces. Reporters sans frontières (RSF) condamne ces attaques devenues récurrentes et appelle les autorités à tout mettre en œuvre pour amener leurs auteurs devant la justice et à assurer la sécurité des journalistes dans le pays.

Il faut aller brûler son domicile, raser complètement sa maison, ramasser tous les débris et laisser le terrain vide”. Sur un enregistrement audio daté du 10 juin, diffusé sur les réseaux sociaux, une voix anonyme menace directement de mort le journaliste et ancien rédacteur en chef du journal privé l'Événement, Newton Ahmed Barry, également commentateur de l’actualité dans les médias burkinabés. Elle traite également le journaliste de "terroriste" qui "ne mérite pas de vivre". 

Bien que l’enregistrement ne mentionne aucune raison spécifique pour ces menaces, elles pourraient être liées à une émission diffusée le 19 mai, au cours de laquelle le journaliste avait exprimé son scepticisme à l’égard d’un accord entre le gouvernement malien et la société militaire russe Wagner, qui fournit des mercenaires.

Ces très graves propos à l’encontre d’un journaliste ne doivent pas rester impunis, déclare Sadibou Marong, le directeur du bureau Afrique de l’Ouest de RSF. Dans un contexte où des intimidations contre les professionnels des médias deviennent de plus en plus récurrentes, il est urgent que les autorités réagissent en ouvrant une enquête pour condamner les responsables. RSF appelle les autorités à tout mettre en œuvre pour faire cesser ces menaces et assurer la sécurité des journalistes sur le territoire.”

Dans une déclaration commune, les associations de presse locale ont qualifié cet appel au meurtre et à la destruction du domicile de Newton Ahmed Barry de “grave et alarmant, au regard du contexte national d’insécurité”, et ont appelé les autorités à enquêter immédiatement sur ce message. 

Me Batibié Benao, avocat de Newton Ahmed Barry, a déclaré à RSF  : “Le procureur du du tribunal de grande instance Ouaga 1 [à Ouagadougou] a ordonné l’ouverture d’une enquête, il n’y a pas lieu d’y ajouter une plainte. Nous attendons la suite.”

Les attaques et menaces à l’encontre des journalistes se multiplient au Burkina Faso. Le 24 mai, Besséri Ouattara, correspondant du quotidien L’Express du Faso dans la ville de Banfora, au sud-ouest du pays, avait également été menacé. Brahima Traoré, un responsable sportif local, lui a reproché d’avoir relayé une information concernant le refus des joueurs de l’Union sportive de la Comoé (USCO) de prendre part à la demi-finale de la coupe nationale en raison d’arriérés de salaire et de primes impayées. Il lui a aussi intimé l’ordre de quitter la ville dans les trois jours.

Une semaine avant, alors qu’il couvrait une cérémonie publique présidée par le Premier ministre Albert Ouédraogo dans la capitale Ouagadougou, le journaliste reporter d’images à la télévision privée BF1 Luc Pagbelguem a été agressé par un membre de la sécurité, qui l’a violemment tiré et fait descendre de l’estrade d’où il filmait l’événement, sans lui donner d’explications sur son geste. 

Le 14 mai, la correspondante de TV5 Monde Fanny Naoro-Kabré a été expulsée d’une réunion publique organisée par un activiste à Ouagadougou, accusée d’appartenir à un média français qui “ne cessent de les diaboliser et de les caricaturer”. 

Le Burkina Faso, où la montée de l’insécurité liée à la violence djihadiste et l’instabilité politique depuis le putsch de janvier 2022 font peser de sérieux risques sur l’exercice du journalisme, occupe actuellement la 41e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022. 

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